DEMANDE DE CONFIRMATION DE TIERS – NEP 505 – Annulation de la circularisation dont le commissaire aux comptes était à l’origine – Absence de vérification personnelle et de demande d’information complémentaire – Faute du commissaire aux comptes – Perte de chance – Sophistication de la fraude – Faute de la société victime – Bordeaux 10 décembre 2024 n° R.G. 23/05720 - Note Ph. Merle
Il est constant que le commissaire aux comptes est débiteur d'une obligation de moyens, qu'il n'a pas à procéder à la vérification exhaustive de la comptabilité de la société, ni à rechercher systématiquement toutes les erreurs et irrégularités que les comptes pourraient contenir. Il doit mettre en œuvre les moyens nécessaires pour remplir efficacement sa mission, notamment par voie de sondages.
Sa faute, qui doit être prouvée, s'apprécie par rapport à ce qu'aurait fait un professionnel prudent, attentif et avisé, placé dans cette situation.
Le seul fait que des irrégularités ou erreurs comptables aient pu affecter des comptes certifiés par le commissaire aux comptes ne suffit pas à considérer ce dernier comme fautif.
En acceptant d'annuler la circularisation dont il était à l'initiative, à la suite d'un refus non justifié de la comptable salariée de l'entité contrôlée, sans vérification personnelle ni demande d'information complémentaire, le commissaire aux comptes commet une faute.
La perte de chance subie par la société doit être évaluée à 20 %, compte tenu du caractère sophistiqué de la fraude, et de l'aléa existant sur la réponse qu'aurait apportée le fournisseur s'il avait été circularisé, comme sur sa teneur et son degré de précision sur les données chiffrées communiquées.
Eu égard d'une part à la sophistication des falsifications opérées par la comptable indélicate qui ne pouvaient être mises à jour par les experts-comptables eu égard aux termes de la mission qui leur était confiée, et d'autre part aux diligences réalisées par les commissaires aux comptes, ces derniers ont pu, sans faute de leur part, attester de la concordance des ERB en fin d'exercice et de la vraisemblance de la sincérité des comptes sociaux.
La société victime a incontestablement commis une faute en s'abstenant de mettre en place un contrôle interne, ou une distinction des tâches. Mais la faute qu’elle a commise n'est pas la cause exclusive du dommage et a seulement contribué au préjudice subi, dans une proportion que la cour estime à 50 %.