Questions :
Est-il possible pour le commissaire aux comptes d’un organisme soumis au contrôle de l’ANCOLS, d’accepter le principe de l’envoi systématique, à l’ouverture de ses contrôles, par l’ANCOLS, d’un questionnaire « normalisé »? Si tel est le cas :
• la réponse au questionnaire « normalisé » constitue-elle une obligation pour le commissaire aux comptes ?
• le commissaire aux comptes doit-il refuser de répondre à certaines questions ?
• certaines questions doivent-elles être corrigées par le commissaire aux comptes ?
• l’ANCOLS, réalisant des contrôles a posteriori et sur une période de cinq ans, peut-elle adresser le questionnaire au précédent commissaire aux comptes, dont le mandat n’aurait pas été renouvelé ?
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La Commission des études juridiques rappelle que l’article L. 342-7 du code de la construction et de l’habitation dispose :
« I. ― L'agence peut demander aux commissaires aux comptes des organismes soumis à son contrôle la communication de toute information recueillie dans le cadre de leur mission.
L'agence peut, en outre, transmettre des observations écrites sur les organismes qu'elle contrôle aux commissaires aux comptes, qui sont alors tenus d'apporter des réponses en cette forme.
II. ― Les commissaires aux comptes sont tenus de signaler dans les meilleurs délais à l'agence tout fait ou décision concernant la personne soumise à son contrôle dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leur mission, de nature à :
1° Constituer une violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables à cette personne et susceptible d'avoir des effets significatifs sur sa situation financière, sa solvabilité, son résultat ou son patrimoine ;
2° Porter atteinte à la continuité de son exploitation ;
3° Imposer l'émission de réserves ou le refus de la certification de ses comptes.
La même obligation s'applique aux faits et aux décisions mentionnées aux 1° à 3° dont les commissaires aux comptes viendraient à avoir connaissance dans l'exercice de leur mission auprès d'une société mère ou d'une filiale de la personne contrôlée.
III. ― Pour l'application de la présente section, les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel à l'égard de l'agence ; leur responsabilité ne peut être engagée pour les informations ou signalements de faits auxquels ils procèdent en exécution des obligations prévues par la présente section ».
La doctrine de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes considère qu’en application de cet article, l’ANCOLS bénéficie d’une levée du secret professionnel du commissaire aux comptes, mais que ledit article n’autorise pas le commissaire aux comptes à transmettre à l’ANCOLS des documents composant son dossier de travail, qu’il a constitué à l’unique fin de documenter ses diligences, ou à fournir un accès à ce dossier.
La situation de l’ANCOLS est ainsi différente de celle de la Cour des comptes, qui bénéficie notamment des dispositions de l’article L. 141-10 du code des juridictions financières :
« Les membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 5 du chapitre II du titre Ier du présent livre peuvent demander aux commissaires aux comptes, y compris les commissaires aux apports et les commissaires à la fusion, tous renseignements sur les organismes, sociétés et comptes qu'ils contrôlent ; ils peuvent en particulier se faire communiquer les dossiers et documents établis en application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la profession et au statut des commissaires aux comptes de sociétés.
Les commissaires aux comptes des organismes contrôlés sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 5 du chapitre II du titre Ier du présent livre, à l'occasion des contrôles que ceux-ci effectuent dans le cadre de leurs attributions.
Pour l'application de l'article LO 132-2-1 du présent code, les membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés au premier alinéa :
– peuvent examiner les opérations qu'effectuent les organismes et régimes de sécurité sociale visés par l'article L. 114-8 du code de la sécurité sociale et l'organisme visé par l'article L. 135-6 du même code pour le compte des branches et de l'activité de recouvrement du régime général de sécurité sociale ;
– peuvent demander aux commissaires aux comptes des organismes et régimes cités à l'alinéa précédent tous renseignements sur les entités dont ces derniers assurent la mission de certification des comptes ; ils peuvent en particulier se faire communiquer, pour l'exercice comptable sous revue, les dossiers et documents établis en application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la profession et au statut des commissaires aux comptes ;
– sont habilités à communiquer aux commissaires aux comptes des organismes et régimes de sécurité sociale visés par l'article L. 114-8 du code de la sécurité sociale tous renseignements sur les opérations effectuées pour le compte de ces derniers par les organismes, branches ou activités visés par l'article LO 132-2-1, et sur les vérifications qu'ils ont opérées, en tant qu'ils sont utiles à leur mission légale de certification des comptes de l'exercice sous revue et sous réserve des dispositions de l'article L. 120-3 du présent code. Ils disposent d'une faculté identique à l'égard des commissaires aux comptes d'autres entités dont une partie des opérations est gérée par les organismes, branches ou activités visés par l'article LO 132-2-1 du même code.
Les conditions d'application du troisième au sixième alinéas sont fixées par décret en Conseil d'Etat ».
S’agissant de l’ANCOLS, dont la situation ne peut donc être comparée en l’état actuel des textes à celle de la Cour des comptes, l’article L. 342-7 I du code de la construction et de l’habitation lui permet :
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de demander au commissaire aux comptes la communication de toute information recueillie dans le cadre de sa mission ;
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de transmettre au commissaire aux comptes des observations écrites sur l’organisme qu’elle contrôle et auxquelles ce dernier est tenu de répondre.
Ainsi, la Commission considère-t-elle que le principe d’un questionnaire ne peut être rejeté, mais seulement dans la mesure où il se limiterait à obtenir du commissaire aux comptes des informations recueillies dans le cadre de sa mission, en application du I, alinéa 1er, de l’article L. 342-7 du code de la construction et de l’habitation précité. L’alinéa 2 de cet article ne peut, selon la Commission, constituer le fondement de l’existence ou du contenu d’un questionnaire « normalisé » envoyé avant tout contrôle, puisqu’il vise uniquement des réponses du commissaire aux comptes à des observations formulées par l’ANCOLS, qui ne peuvent donc être formulées qu’après un certain nombre de contrôles de sa part.
Le II de l’article L. 342-7 du code de la construction et de l’habitation concerne des dispositifs de communication du commissaire aux comptes vers l’ANCOLS et n’est donc pas applicable à la présente question.
Le III de l’article L. 342-7 du code de la construction et de l’habitation confère une immunité au commissaire aux comptes qui fait application du texte.
En conséquence, la Commission considère qu’il est possible d’accepter le principe d’un questionnaire mais à condition qu'il ne soit pas normalisé et qu'il soit adressé au commissaire aux comptes à la suite des contrôles effectués par l’ANCOLS. Ces conditions étant remplies, la réponse à ce questionnaire est obligatoire, puisque l’ANCOLS est en droit de demander et d’obtenir certaines informations.
Toutefois, en application de l’alinéa 1er de l’article L. 342-7 du code de la construction et de l’habitation, les questions auxquelles le commissaire aux comptes pourra répondre dans un tel questionnaire ne devront pas solliciter d’opinion, de conclusion ou d’appréciation, ni d’éléments sur les procédures menées par le commissaire aux comptes, mais uniquement des informations recueillies au cours de sa mission auprès de l’organisme contrôlé, dont un certain nombre devraient d’ailleurs pouvoir être recueillies directement auprès dudit organisme.
Par ailleurs, le commissaire aux comptes pourra être amené, dans le cadre de l’alinéa 2 de l’article L. 342-7 du code de la construction et de l’habitation, à répondre par écrit et dans les limites exposées au paragraphe précédent aux éventuelles observations de l’ANCOLS.
Enfin, la Commission rappelle que, dès lors que le commissaire aux comptes est tenu au secret professionnel en application de l’article L. 822-15 du code de commerce, il y est tenu toute sa vie, sans limitation de durée1. De la même manière, lorsqu’il est délié de son secret vis-à-vis d’une autorité de contrôle, cette levée du secret ne saurait avoir de limitation de durée.
Ainsi la Commission considère-t-elle que l’article L. 342-7 III du code de la construction et de l’habitation, déliant le commissaire aux comptes de son secret professionnel vis-à-vis de l’ANCOLS, qui est une autorité de contrôle, n’est pas limitatif quant à son application au seul commissaire aux comptes qui serait encore en fonction dans l’organisme concerné. Dès lors, l’ANCOLS peut adresser le questionnaire au précédent commissaire aux comptes dont le mandat n’aurait pas été renouvelé, et qui ne serait donc plus commissaire aux comptes de l’organisme le jour où il recevrait ledit questionnaire, sans que le commissaire aux comptes puisse lui opposer le secret professionnel pour refuser de lui répondre pour ce qui concerne la période où il était commissaire aux comptes de l’organisme.
1 Art. L. 822-15 C. com. :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 823-12 et des dispositions législatives particulières, les commissaires aux comptes, ainsi que leurs collaborateurs et experts, sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions. Toutefois, ils sont déliés du secret professionnel à l'égard du président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance lorsqu'ils font application des dispositions du chapitre IV du titre III du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre VI.
Lorsqu'une personne morale établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes de la personne morale consolidante et les commissaires aux comptes des personnes consolidées sont, les uns à l'égard des autres, libérés du secret professionnel. Ces dispositions s'appliquent également lorsqu'une personne établit des comptes combinés.
Les commissaires aux comptes procédant à une revue indépendante ou contribuant au dispositif de contrôle de qualité interne sont astreints au secret professionnel ».