RESPONSABILITE CIVILE – Détournements par la chef comptable – Point de départ de la prescription contre le commissaire aux comptes – Prescription partielle – Défaut d’application des NEP – Perte de chance de mettre fin aux détournements dans les meilleurs délais – Incidences de la faute de la victime –Tribunal judiciaire de Paris (1ère Ch. civ., 3ème sect.) 19 mai 2025, n° RG 17/02008 - Note Ph. Merle
Il résulte de l’article L. 821-38 C. com., d'une part, que la prescription triennale de l'action en responsabilité exercée contre un commissaire aux comptes court à compter du fait dommageable, lequel ne peut résulter que de la certification des comptes à laquelle il a procédé et, d'autre part, que ce n'est que lorsque le commissaire aux comptes a eu la volonté de dissimuler des faits dont il a eu connaissance à l'occasion de la certification des comptes qu'elle court à compter de la révélation du fait dommageable.
En l’espèce, il n'est ni établi ni même allégué que le commissaire aux comptes ait lui-même participé aux détournements litigieux ou volontairement dissimulé leur commission dont il aurait eu connaissance au moment de la certification des comptes.
La non-application correcte de six normes (NEP 240, 315, 330, 505, 520, 500) est constitutive de fautes et de négligences du commissaire aux comptes.
La circonstance que la direction de la société victime se soit révélée défaillante dans le cadre de la mise en œuvre du contrôle interne et que ces dysfonctionnements aient donné à la chef comptable les moyens de son action délinquante, n'est pas de nature à retirer au comportement du commissaire aux comptes son caractère fautif.
En ce qui concerne le préjudice des demandeurs, il ne ressort pas du dossier que les réserves auxquelles auraient dû conduire les diligences omises ou insuffisamment accomplies par le commissaire aux comptes eussent, à elles-seules, empêché la poursuite des détournements. Le préjudice subi a consisté dans la perte d'une chance de mettre fin auxdits détournements dans les meilleurs délais.
La faute de la victime, notamment la négligence des dirigeants de la société dans les procédures de contrôle interne, est de nature à réduire des deux tiers le droit à indemnisation des demandeurs.