EXPERTISE IN FUTURUM (ARTICLE 145 CODE DE PROCEDURE CIVILE) - Nécessité d'un motif légitime - Conditions pour agir par voie de requête non remplies - Non respect du principe de la contradiction - Nécessité d'agir par voie de référé - Rétractation de l'ordonnance ayant désigné l'expert par voie de requête - Nullité du rapport d'expertise - Paris (Pôle 1, Chambre 3) 16 mars 2022, N° RG 21/07364, note Ph. Merle
La mise en œuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès en germe possible sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
La mesure d’instruction avait pour objet la défense des intérêts de 29 sociétés en difficulté vis à vis des commissaires aux comptes devant répondre de la sincérité des comptes sociaux. En conséquence, les requérantes, ainsi que le conciliateur des sociétés du groupe, disposaient d’un motif légitime justifiant la mesure d’instruction ordonnée.
S’il est possible, en présence de défendeurs potentiels non identifiés, d’ordonner sur requête, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement, ce n’est que dans l’hypothèse de l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite, au visa des dispositions des articles 808 et 809 du code de procédure civile, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Ni le grand nombre des commissaires aux comptes susceptibles d’être mis en cause dans des litiges futurs ni la volonté des requérants qu’il soit procédé à une expertise “en temps utile”, en l’absence de toute urgence caractérisée, ne constituent, en eux-mêmes, des motifs justifiants qu’il soit dérogé au principe de la contradiction.